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18/06/2013

Expérimentation : urgent ! A lire cette analyse d'Emmanuel GARCIN

Interrogations sur l’expérimentation des regroupements de psychologues 

Pourquoi maintenant, avec quelles arrière-pensées, 
avec quelles perspectives et avec quelle marge de manœuvre ?
 
 La paralysie du soupçon 
 
 Dans toutes les discussions sur l’actuelle expérimentation, se fait jour une interrogation
suspicieuse sur les intentions réelles de l’administration centrale. Et l’absence d’éléments de
réponse complique les prises de position, voire conduit à un refus d’engagement puisque les
termes du débat et donc la nature des enjeux ne sont ni clairement ni complètement exposés.
Les choses se passent comme si les professionnels se partageaient entre ceux qui craignent de
ne rien faire et de laisser passer une opportunité, et ceux qui craignent, en s’engageant dans
l’expérimentation, d’encourager ou de précipiter des options qui ne sont pas les leurs. Si l’on
n’y prend garde, le clivage entre les favorables et les réticents va tourner à la querelle des
« pro » contre les « anti ». Ce qui ne fera l’affaire ni des professionnels, ni du ministère de la
santé, ni des établissements. 
 
La réponse au « pourquoi maintenant ? », qui est la même que celle de l’élucidation des
« arrière-pensées », est presque triviale. C’est pour rendre possible la gestion et en particulier
l’évaluation des psychologues. En effet, il faut savoir que depuis de longues années, le grand
œuvre de la Fonction Publique est de renforcer son efficacité en terme de gestion des agents
en assouplissant les cadres réglementaires et statutaires. D’où le passage de la notion de
qualification à celle de compétence. Avec le cortège d’acquisition de compétences, de
transfert de compétences, de validation des compétences… D’où également le passage de la
mécanique de la notation au  processus de l’évaluation. Bien entendu sur la base… des
compétences. 
 
Pour ce qui concerne le passage de « profession » référée à une « qualification », à un
« métier » qui se décline en « compétences », c’est d’ores et déjà opéré par… la fiche métier.
C’est pourquoi la troisième version de celle des psychologues de la FPH figure en annexe de
la dernière circulaire en vigueur. Mais pour ce qui concerne l’évaluation des psychologues,
c’est une autre affaire, car pour l’organiser il faudra à un moment ou à un autre passer par la
voie de la réglementation. Mais produire de la réglementation en matière de psychologues,
c’est s’exposer au risque de la censure de la justice administrative, à laquelle les psychologues
ont pris l’habitude de recourir à chaque fois qu’ils l’ont estimé nécessaire. 
 
L’impossibilité de définir un N+1 
 
La difficulté, concernant l’évaluation des psychologues, peut se décrire ainsi. Pour évaluer un
agent, il faut un évaluateur. Ce que le langage administratif nomme un N+1, un agent d’un
grade hiérarchique directement supérieur. Et de surcroît il faut définir un évaluateur dont la
légitimité ne risque pas d’être contesté aussi bien en droit qu’au quotidien sur le terrain. Et
être légitime en matière d’évaluation, c’est être en capacité de se prononcer sur des
connaissances, des méthodes, des acquis, que l’on maîtrise soi-même. Or les connaissances et
les méthodes des psychologues sont issues de leur cursus de faculté de sciences humaines,
c’est-à-dire totalement indépendant et étranger aux directives du ministère de la santé.

Cela dit par différenciation d’avec les cursus des facultés de médecine et les programmes de
formation des infirmiers et des autres professions de santé. 
 
A ce point du développement, rappelons que c’est « par usage » et non par un effet de droit
positif que les chefs de service ou chefs de pôles notent les psychologues. Car comme nous
l’avons vu, réglementer l’affaire dans ce sens comporterait un risque juridique certain. Reste
donc comme seul N+1 légitime, le Directeur, puisqu’il est l’autorité, investie du pouvoir de
nomination, et à ce titre également investi du pouvoir de notation. Mais que pourrait-il évaluer
de façon pertinente, autre que des critères de type administratif ? La seule solution est donc de
faire évaluer les psychologues par… des psychologues. Mais c’est chose impossible à l’heure
d’aujourd’hui faute de l’existence d’un grade hiérarchique, d’un N+1, dans ce corps. 
 
Le choix, par défaut, du ministère 
 
Examinons les perspectives actuelles pour l’administration centrale. 
- Faire évaluer les psychologues par le directeur. Peu satisfaisant et fort difficile
concrètement. 
- Créer un grade hiérarchique dans le corps des psychologues. Pour éviter de heurter
frontalement les psychologues, avait été tenté la mise sur pied d’une sixième année,
d’accès limité par numerus clausus déterminé par le ministère de la santé, en milieu
hospitalier et selon un modèle conçu par le ministère de la santé. Prolégomènes
évidentes à une fonction d’encadrement, mais restées sans suite. Dans la même
logique, le rapport de la mission Couty de 2009 recommandait expressément aux
psychologues d’opter pour un « statut de professionnel de santé », probablement afin
de pouvoir légitimement les faire gérer par le Directeur des Soins, responsable des
professions de santé de la filière infirmière et paramédicale.  
- Faire émerger cette fonction à partir des regroupements de psychologues. C’est la
solution retenue, ainsi que le montre la circulaire rendant possible l’expérimentation
de ces regroupements. 
 
Excluant le passage en force, le ministère de la santé a donc choisi de lancer le débat de
l’expérimentation, en s’efforçant néanmoins de l’orienter dans le sens qui lui convient. A n’en
pas douter, il arrêtera sa position définitive en fonction des réactions du terrain. 
 
Les options des psychologues 
 
Examinons maintenant les perspectives pour les psychologues face à cette situation inédite. 
- Ne pas s’engager dans l’expérimentation. Tendance assez forte rassemblant des
indécis perplexes et en particulier les plus soupçonneux à l’endroit des visées réelles
de l’administration centrale. Cette position comporte le paradoxe de laisser le champ
libre par faute de proposition alternative, à ceux qui préconisent des solutions jugées
défavorables. 
- Soutenir le principe d’un coordonnateur « désigné », et donc permanent. C’est une
tendance assez forte du côté des organisations, bien qu’elles s’entourent des
précautions oratoires de rigueur pour ne pas braquer définitivement les professionnels.
Dans un délai assez court, cela revient à la création d’un grade hiérarchique, un N+1,
par nomination. 
- Maintenir la logique collégiale avec le principe d’élections, qui a prévalu jusqu’à
présent. C’est d’autant plus envisageable que les collèges ne procèdent pas autrement
depuis leur origine. Pour autant, cela ne permet pas d’échapper à l’instauration d’un N+1.

Par contre, il serait élu au lieu d’être nommé. Avec un mandat éventuellement
renouvelable. Et autant que possible en faisant le choix de deux élus pour s’acquitter
de ces tâches délicates. 
 
L’avantage de cette dernière option est d’éviter la personnalisation de la fonction
hiérarchique, puisqu’il y a possibilité de renouveler par élection à échéance régulière les
tenants de la fonction. 
 
Pour conclure, nous souhaitons faire connaître notre conviction que la Fonction Publique en
général, et la Fonction Publique Hospitalière en particulier, préférerait renoncer aux
psychologues comme certains signes l’indiquent, plutôt que de renoncer à introduire un N+1
dans cette profession. Sans oublier que les psychothérapeutes, dont le cursus répond à un
cahier des charges produit par le ministère de la santé, pourraient donc intégrer, plus aisément
que les psychologues d’aujourd’hui, « les professions de santé ».  
 
Emmanuel Garcin
20 Mai 2013 
 
 
Pour la CGT, c’est le coordonnateur – nommé par le directeur dans le premier projet, coopté
ou élu par les psychologues dans le rectificatif – qui « met en œuvre les missions dévolues à
cette structuration » : projet psychologique et bilan annuel d’activité, gestion de la fonction
FIR, participation au recrutement et élaboration de la fiche d’évaluation. 
 
La lettre des psychologues. UFMICT-CGT. N° 19 et n° 19 bis – rectificatif – de Mars 2013. 
 
Pour le SNP, le « psychologue responsable de la structure de psychologie est un intermédiaire
indispensable à l’inscription des psychologues dans la ligne hiérarchique directement
rattachée au directeur d’établissement ». « Il bénéficie de la délégation fonctionnelle
nécessaire à son intervention dans le recrutement et l’évaluation ». 
 
Structuration institutionnelle : enjeux et perspectives. C° FPH du SNP – 25 Mars 2013. 

 

Commentaires

je vous propose cette réflexion d'une collègue à propos de cette expérimentation dont E G fait la promotion en occultant les prémisses de la circulaire: titre de psychothérapeute inscrit dans la loi HPST, disqualification et déqualification d'une fonction exercée par les psychologues, la psychothérapie.Bonne lecture.
QUELLE FÉDÉRATION POUR LES PSYCHOLOGUES ?
6 novembre 2013

Les psychologues, comme les enseignants, comme les juristes et tous les universitaires du monde ont une forme de pensée qui trouve en elle- même son propre dynamisme : une question en amène toujours une autre, et la passion de savoir ne s’éteint jamais. Cette forme de pensée qui, après tout, n’occupe que le deuxième rang au palmarès de l’excellence, se suffit à elle même et résiste à toutes les injonctions. Elle n’appelle aucune fédération. On comprend par ailleurs que des sujets d’excellence, mus par l’idée de performance, se fédèrent autour de fictions, perçues comme des avancées. En ce cas, la passion de savoir n’est pas première, c’est l’esprit d’entreprise qui domine. On comprend aussi que des sujets plus moyens cherchent la norme, se fédèrent autour d’un modèle, obéissent aux consignes : la passion du savoir n’est pas présente, c’est le souci d’obéissance qui domine. Les trois groupes ne peuvent donc pas être régis de la même façon au sein de l’entreprise. Les psychologues de la fonction publique hospitalière n’ont donc pas vocation à se rassembler qu’entre pairs, au sein de collèges, les affaires de hiérarchie appartenant aux autres groupes. L’expérience montre que depuis 50 ans, ces psychologues ont tenu leur position clinique au sein des institutions, parce que la passion du savoir est aussi celle de l’entomologiste ou du botaniste : c’est pareil et c’est différent. Ils ont tenu, coincés entre les deux autres formes de pensée, sans pour autant tomber ni dans la fiction, ni dans la servitude. Mais nous vivons une époque moderne : avec la mondialisation, l’Europe s’est européanisée, les identités nationales ont été chahutées et la modernité ravageuse a pris la forme d’une guerre civile qui ne dit pas son nom. Cette guerre se présente sous forme de jeu, tout en étant bien réelle, et se solde par la mise en insécurité généralisée de toute une population. C’est un jeu sans règles, et on peut être éliminé sans raison. A ce jeu, le grand exécuteur est toujours le groupe, et l’élimination de l’individu est prononcée par les proches. Ce n’est pas une blague : aux Etats- Unis, à San Diego(Floride), c’est un jeu de téléréalité qui fait, en direct, le dégraissage d’une entreprise réelle (Ouest France 31 mai 2013) Plus réellement, à l’hôpital, les personnels de soin sont prêts à voter l’élimination des non personnels de soin : en ce moment, à La Rochelle, ce sont les agents de service hospitalier qui sont menacés de « réorganisation ». Les psychologues pourraient bien être exposés au même sort. Ils ont tout intérêt à se méfier : si on leur demande plus de compte, plus de justifications, c’est parce qu’ils sont déjà condamnés, ou tout au moins, mis en examen. 2 Certes, « l’objectif de la structuration est de faire reconnaître la place de la psychologie dans les structures sanitaires, sociales et médico-sociales et son apport à la prise en charge globale des patients » mais le piège est dans l’énoncé : « vous serez reconnus », si vous êtes en mesure de « prouver votre apport », c’est à dire votre utilité. C’est là qu’on ne prouvera rien, parce que l’esprit est, par définition, immatériel. En terme d’humanité, d’ailleurs, aucun homme, aucune femme n’est réductible à son apport : il ou elle travaille bien, ou moins bien, et on avance avec ce fait. Si on reprend enfin l’histoire, l’évolution de l’accès à la titularisation pour les psychologues les guidera pour comprendre la situation. Au commencement, était la tutelle du médecin-chef, et il n’y avait pas de piège. Puis, le concours régional est venu simultanément à la mise en place de statistiques déjà « expérimentales ». L’état mettant son nez dans les affaires médicales, la tutelle des médecins chefs a repris vigueur, cette fois, de façon moins bienveillante, et le concours a été aménagé, cette fois de façon stressante. Dans cette guerre, ne nous trompons pas : l’aventure expérimentale 2013-2014 à laquelle invite le ministère (CIRCULAIRE N°DGOS/RH4 /2012/396 du 26 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de l’expérimentation de la structuration institutionnelle de l’activité́ des psychologues de la fonction publique hospitalière), gageons le ne profitera pas aux psychologues.
Geneviève MATHONNEAU, psychologue clinicienne, Juin 2013 genevieve.mathonneau@wanadoo.fr

Écrit par : Aubel | 06/11/2013

Bonjour,
Merci beaucoup pour cet intéressant commentaire qui enrichit le débat. A titre personnel je suis assez d'accord avec les réserves exprimées par cette collègue. Mais je ne crois pas qu'E. GARCIN fasse la promotion de l'expérimentation.
Je pense aussi que si le souci était de reconnaître l'utilité ou l'importance des psychologues, il ne devrait pas y avoir besoin d'expérimentation il suffirait de considérer ce qu'ils font déjà.
GB

Écrit par : GB | 06/11/2013

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