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15/05/2020

Confinement et sommeil

Bonjour à tous,

L'avenir nous dira si, pour ce blog, aujourd'hui est l'heure de la reprise, du déconfinement. Le point de départ de bien des énergies semble être d'en arriver à un sommeil qui permette l'éveil, les veilles. Qu'elles soient sanitaire ou d'écoute

Stratégies de gestion de l’impact du confinement sur le sommeil : une synthèse d’experts

En plus de l’impact psychologique du confinement et de l’épidémie, il existe des répercussions sur le sommeil qu’il faut prendre en compte par la mise en place de stratégies adaptées afin de maintenir un bon état de santé mental et de santé général. Le confinement peut désorganiser le sommeil en impactant, d’une part, les rythmes circadiens par une diminution de l’intensité des synchroniseurs extérieurs et, d’autre part, peut favoriser l’insomnie dans cette période de stress aigu. Enfin, le confinement peut être source d’une privation de sommeil chez ceux qui sont en première ligne et qui gèrent la crise. De plus, chez les enfants/adolescents le confinement peut également déstructurer les journées et ainsi avoir un impact sur la santé en générale. Pour cela, il est important de mettre en place certaines stratégies de préventions de ces perturbations de sommeil afin d’atténuer l’impact psychologique, infectieux et faire face de manière optimale à cette situation que nous vivons tous.

 

Mots clés

Sommeil
Rythmes circadiens
Insomnie
Privation de sommeil
Comportements de sommeil
Covid
Confinement
 

Introduction

Dans ce contexte de confinement lié au virus COVID-19, les médias et la littérature scientifique portent leur attention surtout sur l’évolution de la pandémie, l’impact psychologique de la quarantaine et les stratégies pour le réduire [1]. En effet, le confinement et une épidémie telle que celle du coronavirus COVD-19 sont des facteurs de stress important. Ce stress est renforcé par la peur d’être contaminé, de mourir et/ou de contaminer les proches (stress perçu augmenté), par l’isolement, le sentiment de solitude, de possibles tensions intrafamiliales (soutien social perçu diminué), la perte des routines, et des moyens d’action (contrôle perçu diminué). Tous ces facteurs peuvent avoir des répercussions psychologiques (anxiété, irritabilité, colère, dépression) importantes. Parmi les effets du confinement sur la santé, rarement sont évoquées les perturbations potentielles sur le sommeil ou la mise en place de stratégies pour maintenir une bonne qualité de sommeil alors que ce dernier joue un rôle central pour le maintien de notre santé mentale et de notre état de santé général. De plus, le sommeil est impliqué dans la modulation des paramètres immunitaires essentiels à la résistance de l’hôte [2][3], phénomène qui apparaît primordial dans ce contexte de réponse à un virus et de construction d’une mémoire immunitaire. Cet article a pour objectif de présenter l’impact de la quarantaine sur le sommeil des adultes et des enfants et les stratégies possibles permettant d’atténuer l’impact psychologique négatif du confinement.

Les impacts du confinement chez l’adulte

Même si les conditions actuelles de confinement ne sont pas strictement identiques à celles rencontrées dans les voyages dans l’espace ou lors de l’exploration en conditions extrêmes (mission en antarctique), la quarantaine présente des similitudes avec ces situations où le sommeil est d’une importance capitale [4]. La promiscuité, l’isolement, le stress chronique et la modification de l’intensité lumineuse que subissent les personnes confinées en milieu extrême sont des éléments majeurs pouvant favoriser les perturbations du sommeil (coucher retardé d’environ deux heures et diminution de la durée moyenne de sommeil) [5], et entraîner une modification des rythmes circadiens avec une réduction progressive de l’amplitude des rythmes biologiques liée à une modification progressive de la relation de phase entre le rythme circadien et rythme activité/repos [6]. Dans le cadre du confinement induit par l’épidémie du COVID-19, trois facteurs principaux sont impliqués dans la perturbation du sommeil et doivent être pris en compte.

Le premier facteur est l’impact sur les rythmes biologiques ou rythmes circadiens (qui sont des cycles de 24 heures, « circa » pour cycle et « diens » pour jour). Ces rythmes circadiens sont générés par des horloges biologiques endogènes, qui sont ajustées et remises à l’heure, en permanence par les « Zeitgebers » ou synchroniseurs [7][8][9]. Ces synchroniseurs vont permettre à l’horloge biologique centrale (composée par les noyaux supra-chiasmatiques situés à la partie antérieure de l’hypothalamus) de se synchroniser avec l’environnement et d’adapter l’ensemble des fonctions physiologiques, comme le système immuno-inflammatoire [10]. Le principal synchroniseur de ces rythmes biologiques est la lumière [8][11]. Elle est perçue dans la rétine par les cellules ganglionnaires à mélanopsine qui ont des projections vers l’horloge centrale, avec une influence sur les rythmes circadiens [8][11]. Le photopigment mélanopsine des cellules ganglionnaires est sensible essentiellement au spectre bleu (460–480 nm) de la lumière. En plus de synchroniser les horloges biologiques, la lumière bleue (aussi contenue dans la lumière blanche polychromatique) possède un effet éveillant [12]. Il existe d’autres synchroniseurs : les synchroniseurs non photiques (par définition qui n’impliquent pas la lumière) comme par exemple les rythmes sociaux, l’activité physique ou l’alimentation. Chez l’homme, ces synchroniseurs non photiques sont beaucoup moins puissants que le synchroniseur photique (la lumière). Cependant, la condition de confinement entraîne une réduction de l’action, voire la perte de ces Zeitgebers, ou bien une exposition à un mauvais moment de la journée, entraînant un défaut de synchronisation circadienne et donc un impact délétère sur le cycle veille-sommeil [4]. Deux mécanismes entrent en jeu :

une diminution de l’interaction entre processus circadien et homéostatique (impliqué dans la régulation du cycle veille sommeil) et développement d’altérations du sommeil comparables aux troubles du sommeil de la personne âgée [13] ;

Une désynchronisation circadienne, comparable à ce qu’on peut observer en situation de jet lag.

Ce défaut de synchronisation observé lors du confinement peut ainsi entraîner des altérations du sommeil ou de la qualité de l’éveil (difficulté d’endormissement, endormissement tardif, somnolence diurne…).

Pour pallier ces perturbations, il est important de garder un rythme le plus régulier possible et de renforcer la synchronisation de ces rythmes par l’intermédiaire notamment de :

la lumière : augmenter la lumière naturelle ou ambiante pendant la journée et surtout le matin ; éviter l’exposition à la lumière artificielle, en particulier l’éclairage ambiant et les écrans LED enrichis en bleu (éclairement mélanopique) avant l’heure du coucher [5] ;

les interactions sociales et horaires de sommeil : adopter des heures régulières et habituelles de coucher et de lever qui correspondent à son chronotype (sujets plutôt du matin ou du soir) et renforcer les interactions sociales autorisées pendant la journée (réseaux sociaux, téléphone, sms) ;

l’activité physique : pratiquer un exercice physique régulier en particulier le matin et éviter d’avoir une activité physique trop proche de l’heure du coucher ce qui pourrait augmenter l’activation physiologique et perturber le sommeil ultérieur.

Ces conseils visent à préserver le rythme circadien physiologique et la synchronie avec le système homéostatique dans la régulation du sommeil et sont détaillés dans la fiche de conseils d’expert (voir fiche expert Geoffroy et al. associée à ce numéro).

Le deuxième facteur, lorsque la quarantaine est prolongée et associée à une situation anxiogène (telle que la pandémie COVID-19), correspond à des symptômes d’insomnie qui peuvent être fréquemment retrouvés. Même si c’est une réaction adaptée face à un facteur de stress aigu, il est important de mettre des mesures en place afin d’éviter la chronicisation de ces symptômes et permettre ainsi d’en atténuer les conséquences diurnes et les complications possibles comme les troubles dépressifs, les troubles anxieux ou encore les troubles addictifs. Ceci est possible dans cette période de confinement par la mise en place de mesures comportementales associées au sommeil. Limiter le stress, apprendre à l’identifier et le gérer est important et réduit efficacement l’insomnie (voir fiche expert Geoffroy et al. associée à ce numéro), mais peut ne pas être suffisant. Deux autres stratégies non pharmacologiques ont montré leur efficacité dans le trouble insomnie chronique [14].

Il s’agit, tout d’abord, de maintenir des « comportements de sommeil adaptés », en limitant la consommation de stimulants le soir, en préservant la chambre comme un lieu de détente et de sommeil, en limitant les facteurs environnementaux qui fragmentent le sommeil (bruit, lumière dans la chambre, etc.) et en ayant un contrôle de la température de la chambre (entre 18 et 20 degrés).

Ces mesures seront complétées par des consignes de contrôle du stimulus, à savoir, renforcer l’association « lit = sommeil ». Les sujets doivent faire attention à ne pas trop augmenter le temps passé dans leur lit dans ce contexte de confinement, qui doit être un lieu réservé au sommeil (proscrire la télévision, les consoles de jeux, et l’utilisation d’écran pour visionner des films/séries, pour accéder aux réseaux sociaux, télé-travailler dans son lit, etc.), à ne se coucher uniquement que lorsque la somnolence apparaît et ne pas passer de temps éveillé au lit ; à se lever à la même heure chaque matin même si les routines du fait du confinement ne sont plus présentes. Tout ceci dans l’idée d’ajuster le temps passé au lit au temps de sommeil et éviter le déconditionnement qui peut se mettre en place (voir fiche expert Geoffroy et al. associée à ce numéro).

Le troisième facteur enfin est une réduction du temps de sommeil qui peut survenir également, en raison de conditions défavorables comme une promiscuité augmentée ou une réduction volontaire de son temps de sommeil dans le contexte d’une charge de travail supplémentaire (par exemple, pour les personnes en première ligne face au Covid). Ce facteur est important car la privation de sommeil peut rendre les sujets vulnérables aux infections virales [15]. La diminution du temps de sommeil augmente également le risque de troubles psychiatriques et addictifs [16]. De plus, la privation de sommeil en condition de confinement particulièrement a un impact sur les performances cognitives mais aussi sur la façon dont les sujets gèrent la prise de décision avec une augmentation de la prise de risques et de l’impulsivité [17]. L’ensemble de ces éléments a des répercussions dans la gestion émotionnelle individuelle et familiale. Il est donc essentiel de garder un temps total de sommeil correspondant à ses besoins et d’éviter une situation de privation chronique de sommeil. D’autant qu’a contrario, le confinement peut être l’occasion d’augmenter son temps de sommeil et diminuer ainsi une dette de sommeil chronique. Retrouver ainsi un rythme et un temps de sommeil plus proche de ses besoins de sommeil physiologique peut permettre une prise de conscience de certaines mauvaises habitudes mises en place dans la vie quotidienne et espérer un changement de comportement en sortie de confinement.

Les impacts du confinement chez l’enfant

Chez l’enfant, il existe des répercussions spécifiques en lien avec la scolarité. En effet, en réponse à la pandémie du COVID-19, de nombreux pays, tout d’abord l'Asie, puis l'Europe et enfin les États-Unis, ont ordonné la fermeture des écoles pour prévenir la propagation de cette infection. Bien que cette mesure soit nécessaire, la fermeture prolongée des écoles, associée au confinement au domicile, peut avoir des effets négatifs sur la santé physique et psychologique des enfants [18][19]. Même s’il existe peu d’études portant de façon spécifique sur l’impact du confinement chez l’enfant, les travaux qui ont exploré les conséquences des périodes sans école, comme les week-ends et les vacances d’été, montrent une prise de poids durant ces périodes en lien avec une diminution de l’activité physique, des horaires de sommeil irréguliers et des temps plus importants passés devant les écrans [18][20]. Il est probable que le confinement au domicile apparaisse alors comme un facteur aggravant les effets négatifs de ces périodes sans école.

Brazendale et al. ont décrit le concept de « Structured Days Hypothesis (SDH) », concept fondé sur la nécessité d’avoir des journées structurées (telles que la journée scolaire). Ceci permet une organisation planifiée, segmentée et supervisée par des adultes qui joue un rôle de protection globale de l’enfant [19]. Ce concept a d’abord été décrit dans le contexte de l’obésité croissante aux États-Unis où il est noté une prise de poids lors des vacances, comparé à la période scolaire et lors des week-ends comparé aux jours de semaine. Dans le SDH, on suppose que cette organisation planifiée routinière et régulière a un impact sur les comportements régulant la faim et la satiété des enfants [19]. Ce modèle conceptuel est structuré autour de quatre facteurs : l’activité physique, le temps d’inactivité/temps passé devant les écrans, le sommeil et l’alimentation. À notre avis, il est possible d’étendre ce concept aux perturbations du sommeil mais aussi à la santé en général des enfants dans ce contexte de confinement au domicile.

Les perturbations du sommeil chez les enfants et les adolescents ont un impact sur la qualité et la quantité du sommeil parental, mais aussi sur le fonctionnement global de la famille [21]. Les parents qui sont également à risque de troubles du sommeil dans ce contexte doivent proposer des comportements favorisant le sommeil à leur enfant. Il est donc crucial de proposer aux parents des stratégies favorisant le sommeil de leur enfant telles des horaires réguliers de sommeil et de réveil, de prêter attention aux facteurs environnementaux (tels que la lumière, le bruit et la température), de proposer des conditions adéquates pour le sommeil (voir fiche expert Geoffroy et al. associée à ce numéro).

Conclusion

Dans le contexte de pandémie Covid, il apparaît essentiel de veiller aux besoins de sommeil des adultes et des enfants confinés, afin de limiter les perturbations du sommeil et réduire les risques psychologiques et infectieux ; ceci grâce au maintien d’un rythme régulier, de comportements de sommeil adaptés, d’un temps de sommeil suffisant et de stratégies comportementales contre l’insomnie.

 

Références

 

Une étude sur les conséquences du confinement sur le sommeil