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04/05/2011

InterCoPsyho sur le décret concernant les psychothérapies

Quatrième et dernier Instantanés du jour. Je n’avais rien sous le coude ce matin – même pas l’idée de faire un blog pour InterCoPsychos – tout est arrivé aujourd’hui.

Michel Grollier est Maître de conférences et directeur du département de psychologie de l’UFR de Sciences Humaines de l’université de Rennes II. Il nous donne une lecture très informée à la fois synthétique et détaillée de la question de l’application du décret sur les psychothérapeutes. C’est une lecture de l’intérieur du processus, la première que je lis, puisqu’il fait partie d’une des commissions.
Grâce à lui on y voit plus clair sur la « clause du grand-père », sur la CRI et sur la CRA, mais aussi sur les enjeux de la question.
Jean-François Cottes

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Sur le décret concernant les psychothérapeutes

Ou : ça va être coton

Par Michel Grollier

Directeur du département de psychologie de l’UFR Sciences Humaines-Rennes II

Cette histoire de psychothérapeute provoque des mouvements divers, parfois étranges, et fait sortir du bois pas mal de monde !

La dernière lettre ouverte aux psychologues pratiquant la psychothérapie faite par l’association psychologues aujourd’hui en Maine et Loire, paru dans le journal des psychologue et diffusé largement dans le champ universitaire, est typique : beaucoup de confusions, quelques erreurs, et la revendication d’une formation à la psychothérapie encadrée par le monde médical…
Elle montre l’ambivalence d’une profession, qui, avec le signifiant clinique, pensait se mettre à l’écart. J’ai longtemps travaillé comme psychologue dans le champ psychiatrique, avant de participer à la formation universitaire des psychologues. Et bien j’aurais du mal à définir cette profession, même si je considère qu’elle a su rendre un service conséquent à notre société… J’ai de même participé aux différentes réunions entre universitaires et syndicats, notamment à Paris en décembre, et je peux dire que les avis sont pour le moins dispersés…
Il est clair que l’éthique d’une pratique clinique exige une formation, formation qu’un grand nombre a trouvée auprès d’une association ou école de psychanalyse. Enfin, un grand nombre, je ne peux l’affirmer.

 

Deux évènements

Actuellement donc, suite aux différents textes, deux évènements se profilent.

 

Une période transitoire de un an (à partir du décret de Mai 2010), pendant laquelle les professionnels ayant une formation en psychopathologie (mais pas obligatoirement de titre ou diplôme, à l’appréciation des commissions) et surtout une expérience d’au moins cinq ans dans le champ de la santé ou du social (voire en libéral) peuvent demander le titre a une commission ad hoc constitué par les ARS (les candidats seront essentiellement des psychologues, mais parfois des médecins ou des titulaires d’un des masters de psychanalyse – Paris 8, Paul Valery Montpellier 3, voire des psychothérapeutes qui auront bien du mal à se faire adouber par les commissions). Ils obtiendront le droit d’être inscrit sur le registre national des psychothérapeutes.

L’autre événement est la mise en place des commissions ARS devant statuer sur les demandes d’habilitation des instituts de formation de psychothérapeute. Attention, il ne s’agit pas de formation à la psychothérapie mais de la formation de psychothérapeute, de ceux qui porteront le titre et pourront s’inscrire sur le registre national des psychothérapeutes.

En effet le texte ne légifère pas sur la pratique psychothérapeutique mais sur le titre de psychothérapeute, qui pour l’instant n’a pas d’exercice réservé (ne serait-ce que parce que les psychiatres ont droit de fait à cet exercice).

Le problème qui se posera d’ici quelques années (le temps que les premières promotions de psychothérapeute arrivent sur le marché du travail) concernera les profils de postes que pourront proposer les institutions à vocation thérapeutiques (CMP, CMPP, etc…). Dans quelle mesure les directeurs préfèreront des psychothérapeutes en titre à des psychologues (notamment), connaissant la pression du public sur les éventuelles conditions de moyens dont doivent se doter les institutions pour garantir leur offre de soin ?

Enfin, dans quelle mesure les nouveaux diplômés (en l’état actuel, ceux qui ont moins de cinq années de diplôme) souhaiteront faire cette formation complémentaire pour tenter d’assurer leur recherche d’emploi? Sachant que certains pourront bénéficier d’une réduction sur l’enseignement en fournissant une liste d’enseignement en psychopathologie validé à l’université. Mais sans oublier que la plupart des formations proposées seront payante, et relativement chère (cf. les formations dans d’autres pays, en Italie par exemple!).

 

Le gouvernement supposait que les universités, médecine ou psychologie, prendraient en charge en grande partie ces instituts. Je peux dire, contrairement à ce que certains affirment, que peu de département ou UFR de psychologie envisagent cela. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas, mais cela va à l’encontre de la position historique de ces départements et UFR vis-à-vis de l’acte thérapeutique et son enseignement.
De même si quelques UFR de médecine envisagent ces instituts, cela reste pour l’instant réduit. En fait, tout le monde s’observe, guettant qui partira le premier ! Il existe l’exemple de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en Psychopathologies (EPHEP, http://www.ephep.com/fr/accueil,2.html) de Paris. Cet institut privé, dont le doyen est Charles Melman, et qui est soutenu par l’ALI (association lacanienne internationale) se dit prêt pour demander l’agrément, et se présente comme une possible référence. Cela nous donne déjà une idée du prix, 1000 euros par an sur deux ans pour les étudiants, et 1500 par an pour les professionnels. Donc de deux mille à Trois mille euros pour l’instant. Mais sachez que cela pourra être plus cher, allez voir pour cela les sites de nos collègues italiens !

Dernier point, comment les ARS constituent les commissions ? Eh bien d’abord en s’adressant préférentiellement à des universitaires. Chacune des commissions comprend six membres titulaires et six membres suppléants.

 

La CRA

Pour la commission régionale d’agrément des instituts, elle est composée de six personnalités qualifiées titulaires et de six personnalités qualifiées suppléantes.

Ces personnalités sont nommées pour trois ans par le directeur général de l’agence régionale de santé qui les choisit en raison de leurs compétences dans les domaines de la formation et de leur expérience professionnelle dans le champ de la psychiatrie, de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique, sans qu’aucune des trois catégories de professionnels mentionnées au cinquième alinéa de l’article 52 de la loi du 9 août 2004 susvisée ne soit majoritaire au sein de la commission.
Parmi ces personnalités, siègent deux professeurs des universités spécialisés en psychiatrie, psychologie ou psychanalyse.
Le directeur général de l’agence régionale de santé désigne le président de la commission.
Le mandat des membres de la commission est renouvelable une fois.
La consultation des membres de la commission peut intervenir par tout moyen approprié permettant leur identification et leur participation effective à une délibération collégiale, satisfaisant à des caractéristiques techniques permettant leur transmission continue et simultanée et garantissant la confidentialité des votes lorsque le scrutin est secret.

 

Je peux dire qu’en Ille et Vilaine, j’ai été sollicité en tant que psychologue, psychanalyste et surtout directeur du département de psychologie. Cela m’a permis d’orienter l’ARS vers le professeur Jean Claude Maleval, qui a aussi accepté, et a proposé le professeur Laurent Ottavi, qui a aussi accepté (il fallait deux professeur en psychopathologie). Enfin un autre collègue, psychiatre, psychanalyste a aussi été contacté en tant que responsable de l’association locale des psychiatres. Nous sommes donc quatre titulaires de cette commission à nous connaître un peu, mais je pense que les deux autres titulaires ne seront pas non plus des inconnus. Et nous sommes aussi suppléants dans la commission d’inscription. De fait l’ARS de notre région s’est rabattue sur les signifiants institutionnels basiques, université et associations professionnelles.

La CRI

Pour la commission régionale d’inscription, qui doit traiter dans un premier temps les demandes transitoires, elle comprend six personnalités qualifiées titulaires et six personnalités suppléantes, appartenant à l’une des trois catégories mentionnées au cinquième alinéa de l’article 52 de la loi du 9 août 2004 susvisée, et nommées par le directeur général de l’agence régionale de santé qui les choisit en raison de leurs compétences dans les domaines de la formation et de leur expérience professionnelle dans le champ de la psychiatrie, de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique, sans qu’aucune de ces trois catégories de professionnels ne soit majoritaire au sein de la commission. Ses membres sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable une fois.

Les frais de déplacement et de séjour de ses membres sont pris en charge dans les conditions prévues par la réglementation applicable aux fonctionnaires de l’Etat.
La commission s’assure que les formations précédemment validées par le professionnel et son expérience professionnelle peuvent être admises en équivalence de la formation minimale prévue à l’article 1er et, le cas échéant, du diplôme prévu à l’article 6. Elle définit, si nécessaire, la nature et la durée de la formation complémentaire nécessaire à l’inscription sur le registre des psychothérapeutes.
Le professionnel est entendu par la commission s’il en formule le souhait au moment du dépôt de son dossier ou à la demande de la commission.
La consultation des membres de la commission peut intervenir par tout moyen approprié permettant leur identification et leur participation effective à une délibération collégiale, dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 10.
Je rappelle les trois catégories professionnelles concernées pour constituer la commission : psychiatrie, psychanalyse, psychopathologie clinique… Aucun psychothérapeute donc pour l’instant dans ces commissions ! Et les professionnels sont censés être pressentis en raison de leurs compétences dans les domaines de la formation (d’où la présence massive d’universitaires) et de leur expérience professionnelle dans le champ de la psychiatrie, de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique. Vous comprendrez pourquoi les responsables des ARS, qui sont des administratifs, se rabattent sur les institutions basiques que sont les universités ou les associations professionnelles avec lesquelles elles négocient habituellement ! Je ne connais pas encore le détail de la composition de cette commission dans notre région, mais je pense que les mêmes critères ont prévalu.

En fait nous sommes à l’orée d’un changement dont nous ne pouvons anticiper les conséquences. Cela dépendra des acteurs, professionnels, politiques et économiques, puisque les enjeux sont aussi de cet ordre. Mais cela prendra quelques années. A nous de définir une position politique qui puisse servir de point d’appui aux décisions de chacun.

 

Petit plus !

En supplément je vous fournis le tableau des dérogations qui concernent les heures pédagogiques et les stages dans les instituts de formation :

Etant donné qu’il faut un doctorat en médecine, un master en psychologie ou en psychanalyse la plupart des candidats bénéficient d’une dispense.
La base est un minimum de 400 heures de cours et cinq mois de stage (temps plein), cela correspond, pour donner une idée, à une année universitaire et demie, minimum. Reste à savoir que cette base est destinée à ceux qui ne bénéficient pas de dérogations. Donc ceux qui ont un master mention ou spécialité psychanalyse sans être inscrit comme analyste, ou ceux qui ont un master de psychologie sans le titre de psychologue (n’ayant pas la licence de psychologie donc).

Les psychiatres sont donc totalement dispensés.

Les psychologues ayant une formation en psychopathologie clinique : 150 heures de cours minimum et deux mois de stages (TP), donc environ une année universitaire
Les médecins 200 heures de cours et deux mois de stage (TP), idem.
Les psychanalystes régulièrement inscrit dans des annuaires professionnels, 200 heures de cours et deux mois de stage (TP), idem.
Les psychologues sans formation en psychopathologie clinique, 300 heures de cours et cinq mois de stage (TP) donc environ deux années universitaire.

Ces dérogations s’articulant sur les quatre grands axes d’enseignements qui sont :

- Développement, fonctionnement et processus psychique (100 h).
- Critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques (100 h).
- Théories se rapportant à la psychopathologie (100 h).
- Principales approches utilisées en psychothérapie (100 h).

Sachant que la dérogation peut scinder des thèmes, par exemple pour les psychologues ayant une formation en psychopathologie clinique, il est demandé : cinquante heures sur les critères, cinquante heures sur les théories et cinquante heures sur les approches !

Cela va être coton de mettre en place des promotions et de conserver une apparente unité à tout ça !!!

 

 

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